Transmettre l’héritage de son village natal est une mission de vie pour Louise Bédard. L’ancienne enseignante à L’Orignal a consacré les 20 dernières années à recenser tous les éléments importants de l’histoire de son village. Le Droit lui a parlé peu de temps après qu’elle a reçu le Prix JP St. Pierre, remis au bénévole de l’année dans Prescott et Russell.
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Charles Fontaine
IJL – Réseau.Presse - LeDroit
L’Orignal, Est ontarien: 1359 habitants, une école, une église et un dépanneur. Un village à l’apparence ordinaire. Pas pour Louise Bédard. Elle connaît l’histoire de son village sur le bout des doigts. C’est sa mère qui lui a inculqué l’intérêt pour l’histoire dès son plus jeune âge. Décédée l’an passé à l’âge de 101 ans, la dame a gardé sa mémoire jusqu’à la fin, dans les plus fins détails, raconte sa fille.
Les adolescents de L’Orignal ont été les premiers à pouvoir tirer profit de la passion de Mme Bédard. Cette dernière a enseigné pendant 35 ans à l’École élémentaire catholique Saint-Jean-Baptiste en histoire, en géographie et en anglais aux élèves de la 7e et la 8e année.
«J’ai adoré ma carrière en enseignement, soutient la retraitée depuis 1998. C’était le bon temps, avant tous les changements technologiques.»
Elle prenait soin de mettre en valeur l’histoire de la région dans son programme de cours, pour sensibiliser davantage ses élèves.
«Les élèves étaient intéressés, parce que je racontais l’histoire, prend-elle soin de préciser. Je trouvais une manière de capter leur attention. J’expliquais le système seigneurial au Québec, mais aussi les débuts de L’Orignal, qui est un village un peu unique.»
L’unicité de L’Orignal repose dans ses origines, d’une ancienne seigneurie dans le territoire haut canadien.
«Quand on regarde une carte topographique, L’Orignal n’est pas divisé de la même manière qu’à Alfred ou les autres cantons qui sont bien quadrillés et organisés en rangs et en concessions selon le système terrien anglais, explique Mme Bédard. C’est ce qui est unique et qu’il faut préserver.»
Assouvir la passion
La retraite venue, Louise Bédard a fait un peu de bénévolat à gauche et à droite. Elle ne savait pas trop ce qui allait occuper son temps pour cette dernière portion de sa vie. L’histoire est encore une fois venue traverser son esprit.
«Quand on travaille beaucoup et qu’on enseigne, on n’a pas nécessairement le temps de penser à notre retraite. J’ai toujours aimé notre histoire, alors quand j’ai pris ma retraite, j’ai continué là-dedans.»
Avec un grand groupe de bénévoles, elle a commencé par classer les artéfacts de L’Église catholique Saint-Jean-Baptiste. Début 2000, elle fait partie d’un comité qui songe à rouvrir l’ancienne prison de L’Orignal, fermée depuis 1998. Construit en 1825, le bâtiment est encore très solide, se fiant à des murs en pierre de quatre pieds d’épaisseur.
«La prison faisait partie de nos vies, souligne la dame de 80 ans. Mes pères et mes oncles y ont travaillé.»
L’ancienne prison a finalement été ouverte au public en 2007, comme centre d’interprétation. Des soirées paranormales s’y tiennent ici et là, ainsi que des jeux d’évasions. L’événement le plus populaire de l’année demeure la prison hantée entourant l’Halloween, qui a attiré plus de 1500 personnes cette année. Avis aux amateurs de mauvais coups: l’ancienne prison est située juste en dessous du palais de justice!
Offrir du bonheur
Afin de préserver l’histoire de son village sur papier, Louise Bédard a cofondé en 2005 l’organisme Patrimoine L’Orignal-Longueuil Heritage (PLLH). Le groupe de bénévoles organise diverses campagnes de financement pour être en mesure d’offrir des récits historiques à la population de L’Orignal. Parmi ceux-ci, on compte les 48 plaques d’informations affichées sur plusieurs bâtiments à caractère historique du village.
Le point culminant du travail de recherche de l’organisme est recensé dans un livre de 400 pages portant sur l’histoire du village.
«Dans L’Orignal-Longueuil au fil du temps, on peut lire la petite histoire de 175 familles des environs qu’on a interviewées, qui nous racontent leur enfance et leur vie à L’Orignal, explique l’historienne. Ça touche tous les aspects de la vie au village.»
Ce qui fait le plus plaisir à la dame de 80 ans est de voir que la communauté est réceptive aux recherches qu’elle et ses collègues mènent.
«J’étais surprise de voir que le livre se vend aussi rapidement, raconte-t-elle. Le lendemain du lancement, c’était le silence à L’Orignal, les gens lisaient. Ils aiment qu’on leur raconte des histoires, ils en sont reconnaissants. On met de l’enthousiasme dans la vie des gens.»
Elle a été encore plus flattée lorsqu’elle a reçu le prix de la bénévole de l’année dans Prescott et Russell lors du Banquet du président le 18 novembre dernier.
«Mon coeur a battu un peu fort, raconte-t-elle, émue. C’est un immense plaisir. Je ne me souviens pas de ce qu’on a dit en me présentant le prix tellement j’étais émotive. Je dis ça, mais je n’aurais pas pu faire le travail seul. Mon mari est toujours derrière moi. On ne travaille pas pour être reconnu, mais c’est plaisant de savoir que notre travail est reconnu.»
Depuis deux ans, l’organisme effectue un travail d’archivage imposant, afin que l’histoire se propage au fil des générations.
«Les chercheurs vont pouvoir avoir accès à l’histoire, c’est un de nos buts. On ne sauve pas des vies, mais on préserve la mémoire du passé. Je suis inquiète pour notre jeunesse. L’histoire se répète, alors qu’on voit une guerre se préparer à nouveau. Je trouve que la vie était moins compliquée qu’avant. On était moins consommateurs. Maintenant, ça nous prend tout pour vivre. La société change beaucoup et s’adapte. Entre-temps, nous, on préserve les mémoires du passé.»
Photos
(Etienne Ranger/Le Droit )