Préserver les mémoires de L’Orignal

10 décembre 2023 à 13h38

Transmettre lhéritage de son village natal est une mission de vie pour Louise Bédard. Lancienne enseignante à LOrignal a consacré les 20 dernières années à recenser tous les éléments importants de lhistoire de son village. Le Droit lui a parlé peu de temps après quelle a reçu le Prix JP St. Pierre, remis au bénévole de lannée dans Prescott et Russell.

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Charles Fontaine

IJL – Réseau.Presse - LeDroit

 

LOrignal, Est ontarien: 1359 habitants, une école, une église et un dépanneur. Un village à lapparence ordinaire. Pas pour Louise Bédard. Elle connaît lhistoire de son village sur le bout des doigts. Cest sa mère qui lui a inculqué lintét pour lhistoire dès son plus jeune âge. Décédée lan passé à l’âge de 101 ans, la dame a gardé sa mémoire jusqu’à la fin, dans les plus fins détails, raconte sa fille.

 

Les adolescents de LOrignal ont été les premiers à pouvoir tirer profit de la passion de Mme Bédard. Cette dernière a enseigné pendant 35 ans à l’École élémentaire catholique Saint-Jean-Baptiste en histoire, en géographie et en anglais aux élèves de la 7e et la 8e année.

 

«Jai adoré ma carrière en enseignement, soutient la retraitée depuis 1998. C’était le bon temps, avant tous les changements technologiques.»

 

Elle prenait soin de mettre en valeur lhistoire de la région dans son programme de cours, pour sensibiliser davantage ses élèves.

 

«Les élèves étaient intéressés, parce que je racontais lhistoire, prend-elle soin de préciser. Je trouvais une manière de capter leur attention. Jexpliquais le système seigneurial au Québec, mais aussi les débuts de LOrignal, qui est un village un peu unique.»

 

Lunicité de LOrignal repose dans ses origines, dune ancienne seigneurie dans le territoire haut canadien.

 

«Quand on regarde une carte topographique, LOrignal nest pas divisé de la même manière qu’à Alfred ou les autres cantons qui sont bien quadrillés et organisés en rangs et en concessions selon le système terrien anglais, explique Mme Bédard. Cest ce qui est unique et quil faut préserver.»

 

Assouvir la passion

 

La retraite venue, Louise Bédard a fait un peu de bénévolat à gauche et à droite. Elle ne savait pas trop ce qui allait occuper son temps pour cette dernière portion de sa vie. Lhistoire est encore une fois venue traverser son esprit.

 

«Quand on travaille beaucoup et quon enseigne, on na pas nécessairement le temps de penser à notre retraite. Jai toujours aimé notre histoire, alors quand jai pris ma retraite, jai continué là-dedans.»

 

Avec un grand groupe de bénévoles, elle a commencé par classer les artéfacts de L’Église catholique Saint-Jean-Baptiste. Début 2000, elle fait partie dun comité qui songe à rouvrir lancienne prison de LOrignal, fermée depuis 1998. Construit en 1825, le bâtiment est encore très solide, se fiant à des murs en pierre de quatre pieds d’épaisseur.

 

«La prison faisait partie de nos vies, souligne la dame de 80 ans. Mes pères et mes oncles y ont travaillé.»

 

Lancienne prison a finalement été ouverte au public en 2007, comme centre dinterprétation. Des soirées paranormales sy tiennent ici et là, ainsi que des jeux d’évasions. L’événement le plus populaire de lannée demeure la prison hantée entourant lHalloween, qui a attiré plus de 1500 personnes cette année. Avis aux amateurs de mauvais coups: lancienne prison est située juste en dessous du palais de justice!

 

Offrir du bonheur

 

Afin de préserver lhistoire de son village sur papier, Louise Bédard a cofondé en 2005 lorganisme Patrimoine LOrignal-Longueuil Heritage (PLLH). Le groupe de bénévoles organise diverses campagnes de financement pour être en mesure doffrir des récits historiques à la population de LOrignal. Parmi ceux-ci, on compte les 48 plaques dinformations affichées sur plusieurs bâtiments à caractère historique du village.

 

Le point culminant du travail de recherche de lorganisme est recensé dans un livre de 400 pages portant sur lhistoire du village.

 

«Dans LOrignal-Longueuil au fil du temps, on peut lire la petite histoire de 175 familles des environs quon a interviewées, qui nous racontent leur enfance et leur vie à LOrignal, explique lhistorienne. Ça touche tous les aspects de la vie au village.»

 

Ce qui fait le plus plaisir à la dame de 80 ans est de voir que la communauté est réceptive aux recherches quelle et ses collègues mènent.

«J’étais surprise de voir que le livre se vend aussi rapidement, raconte-t-elle. Le lendemain du lancement, c’était le silence à LOrignal, les gens lisaient. Ils aiment quon leur raconte des histoires, ils en sont reconnaissants. On met de lenthousiasme dans la vie des gens.»

Elle a été encore plus flattée lorsquelle a reçu le prix de la bénévole de lannée dans Prescott et Russell lors du Banquet du président le 18 novembre dernier.

«Mon coeur a battu un peu fort, raconte-t-elle, émue. Cest un immense plaisir. Je ne me souviens pas de ce quon a dit en me présentant le prix tellement j’étais émotive. Je dis ça, mais je naurais pas pu faire le travail seul. Mon mari est toujours derrière moi. On ne travaille pas pour être reconnu, mais cest plaisant de savoir que notre travail est reconnu.»

Depuis deux ans, lorganisme effectue un travail darchivage imposant, afin que lhistoire se propage au fil des générations.

«Les chercheurs vont pouvoir avoir accès à lhistoire, cest un de nos buts. On ne sauve pas des vies, mais on préserve la mémoire du passé. Je suis inquiète pour notre jeunesse. Lhistoire se répète, alors quon voit une guerre se préparer à nouveau. Je trouve que la vie était moins compliquée quavant. On était moins consommateurs. Maintenant, ça nous prend tout pour vivre. La société change beaucoup et sadapte. Entre-temps, nous, on préserve les mémoires du passé.»

Photos

(Etienne Ranger/Le Droit )